Hey ! Cela fait quelques semaines maintenant que je n’ai plus rien posté ici. Mon excuse est toute trouvée étant donné mes trois derniers mois de convalescence passés entre l’hôpital et ma maison de famille en Normandie. C’est justement dans cette dernière région, la plus chère à mon cœur, que je prends généralement le plus de plaisir à arpenter les villes, villages et campagnes verdoyantes. Aujourd’hui, mes pas m’ont menés dans la jolie ville de Cabourg. Connue pour être la villégiature du Tout-Paris à la Belle Époque, la ville est restée magnifique et garde encore – pour notre plus grand plaisir – une atmosphère particulièrement envoutante. Il suffit d’aller se balader dans les nombreuses ruelles parsemées de villas datant du 19e pour faire une plongée dans le passé ; avant d’entreprendre une petite promenade le long de la plage sous l’aura majestueuse du Grand Hôtel ! Que ne fut pas ma joie de pouvoir m’imaginer en somptueuse robe blanche aux côtés d’un galant compagnon vêtu d’un costume et d’un canotier. L’immersion est sans cesse présente pour celui ou celle – comme moi – raffolant de cette période si prolifique sur le plan intellectuel et artistique !



Pour tout amateur de littérature qui se respecte, il n’échappera pas que Cabourg est l’un des lieux représentés dans l’œuvre de Marcel Proust ; notamment dans A l’ombre des jeunes filles en fleurs. L’histoire de la ville est ainsi étroitement liée à celle de l’écrivain qui y a passé ses étés à partir de 1907. Il prenait une chambre au quatrième étage du Grand Hôtel et passait ainsi le plus clair de son temps à se promener, observer et trouver l’inspiration. Son empreinte est aujourd’hui présente dans de nombreux coins de rue où la municipalité a décidé de dresser des panneaux composés de photos d’époque et d’extraits de ses œuvres.

Celui-ci se trouve sur la promenade de Cabourg long de 3,6km. Lors de ma visite, le ciel était dénué de nuages et le soleil réconfortant. Si des rafales de vent m’empêchèrent de pleinement savourer l’instant, je pris néanmoins quelques minutes afin de parcourir le panneau nommé Comme un essaim d’abeilles égaré sur la mer… Voici la retranscription :
C’est qu’un matin de grande chaleur prématurée, les mille cris des enfants qui jouaient, des baigneurs plaisantant, des marchands de journaux, m’avaient décrit en traits de feu, en flammèches entrelacées, la plage ardente que les petites vagues venaient une à une arroser de leur fraîcheur ; alors avait commencé le concert symphonique mêlé au clapotement de l’eau, dans lequel les violons vibraient comme un essaim d’abeilles égaré sur la mer. Sodome et Gomorrhe
La Villa du temps retrouvé
Comme un clin d’œil au célébrissime ouvrage de Marcel Proust, la ville de Cabourg a inauguré en 2021 la Villa du temps retrouvé. Situé à cinq minutes seulement du Grand Hôtel, l’édifice est une magnifique demeure de style néo-renaissance construit dans les années 1860 par l’architecte Clément Parent. Elle resta la possession de cette famille jusqu’à appartenir à Louis Parent, un ami de Marcel Proust. Rachetée par la ville en 1960, elle fera l’office d’un projet culturel ayant pour objectif de mettre en avant le lien entre l’écrivain et le glorieux passé de la ville ! Par ici pour la visite.


Ma première impression en découvrant le site fut de remarquer l’impressionnante propreté du lieu. J’ignorais à ce moment-là que le musée n’avait que 2 ans d’existence. Un agent de sécurité est alors venu nous prévenir que le petit parc arboré était interdit aux chiens (Nous avions notre Bouvier Bernois nommée Mana). L’une de nous a bien accepté d’attendre à l’extérieur avec notre amie à quatre pattes et nous nous sommes ensuite engouffré dans la petite extension en verre juste à droite dans l’image. Une fois à l’intérieur, tout était impeccable et neuf, comme si nous étions les premiers visiteurs de la saison. Le prix annoncé de 9€ ne m’a pas paru exorbitant (le plein tarif à mon musée est de 8€). Nous n’avions plus qu’à nous laisser porter par notre petit guide papier pour entamer un voyage quasi immersif dans la Belle Époque et l’univers proustien.
Retour à la Belle Époque
La Villa du temps retrouvé n’est pas à proprement parlé un musée dédié uniquement à Marcel Proust. J’ai eu la chance de faire l’exposition La Fabrique de l’œuvre à la BNF où de nombreuses pages manuscrites étaient exposées pour expliquer aux visiteurs comment l’écrivain avait procédé – au fil des années – pour réaliser son monument de la littérature. Mais à la Villa du temps retrouvé, j’ai pu m’apercevoir assez vite que la scénographie était bien plus accès sur le caractère immersif ; l’idée devant être « Faire découvrir le monde dans lequel vivait Proust ». Je dois avouer que les premières salles – très obscures – m’aidèrent littéralement à faire un bond dans le temps. En premier lieu, il y eut des centaines d’œuvres connues et moins connues qui défilèrent sur deux murs.


Et puis, dans un second temps, une vaste salle en demi-lune permet via quatre écrans de nous immerger pleinement dans la France d’avant-guerre (14-18). Grâce à des sublimes images d’archives judicieusement sélectionnées, le visiteur est tout d’abord invité à découvrir le Paris de 1900, ses soirées, ses habitants riches et moins riches, avant de prendre le train et d’arriver sur la côte normande ; réputée à l’époque pour être le lieu de villégiature préféré des bourgeois et aristocrates parisiens. Chose très intéressante également au fil de la narration, des robes et costumes apparaissent derrière les écrans. Je n’avais jamais vu une telle astuce scénographique auparavant et cela m’a bien évidemment enthousiasmé au plus haut point !

Les premières œuvres
Une fois bien immergé, le visiteur est ensuite amené à découvrir un nouvel espace bien plus lumineux que les deux premières salles obscures. Un plafond en fausse verrière dans un style Art-Nouveau permet d’annoncer la couleur. Nous nous trouvons toujours à la Belle Époque pour notre plus grand plaisir ! En parcourant les premières œuvres présentées aux murs, nous découvrons également les beaux prêts venant du musée d’Orsay ou du musée des Beaux-Arts de Rouen. Ceux-ci sont forcément dédiés à des artistes contemporains de Marcel Proust, normands ou non, mais dont l’art est inspiré de Cabourg, de ses plages et de ses villas.

Étant une passionnée de la peinture impressionniste – qui plus est normande – j’eus la très agréable surprise de contempler un tableau d’Eugène Boudin. Non loin de lui, un tableau de Dubourg présentant des hommes et femmes se promenant au bord de la plage, me fit réaliser que les prétentions muséographiques du musée ne se limitaient pas seulement à de l’interprétation. Je ne cite ici que ces deux peintres, mais en dressant la liste complète, je pourrais vous assurer que le site n’a probablement rien à envier aux autres musées des Beaux-Arts.


Une seconde pièce, très intimiste, nous permet ensuite d’apercevoir ce qu’aurait pu être l’intérieur de la Villa du temps où elle était encore habitée. Des premiers meubles – prêtés par le Mobilier de France – servent à renforcer cette impression. Le piano, en guise de pièce centrale, diffuse le Clair de Lune de Debussy. Autant avouer tout de suite que l’objectif d’immersion est une fois de plus complètement réussi. Les œuvres présentées sont riches et se mêlent parfaitement bien à l’ambiance feutrée.


D’autres espaces, plus intimes et feutrés, se succèdent les uns après les autres, révélant au passage des œuvres contemporaines.


La plus belle salle est sans conteste le grand salon où se trouve exposé le portrait de Marcel Proust, ainsi que celui de Jean Cocteau, l’un de ses amis les plus chers.

Nous abandonnons ensuite l’ambiance tamisée des salons du 20e pour entrer dans une salle bien plus contemporaine aux murs blancs. Les œuvres exposées, dont les cadres sont pour la plupart dorés, ressortent particulièrement bien. Le mur dédié à des jeune femmes dans leurs robes immaculées m’a d’ailleurs fasciné. Au centre de la pièce, des livres manuscrits permettent de recentrer l’attention sur Marcel Proust (servant toujours de fil conducteur).


La visite se poursuit dans un espace servant à la fois de bibliothèque, de bureau et de salle de lecture. J’ai découvert notamment le concept de bar à lecture où un professionnel invite deux visiteurs à venir s’asseoir pour leur lire quelques passages d’A la recherche du temps perdu. Dans un espace plus intimiste, des projections holographiques sur le bureau permettent de s’imaginer comme les curieux observateurs attendant sagement derrière l’épaule un Marcel Proust griffonnant des mots et des esquisses.



Nous arrivons enfin à la dernière salle proposant de contempler – au travers d’une vitrine – une magnifique madeleine dorée. Les autres œuvres exposées s’inscrivent dans la continuité et permettent une dernière fois de replonger dans le Cabourg de la Belle Époque, terminant ainsi de créer la connexion entre l’écrivain et la ville.


La suite de la visite permet de découvrir – grâce à trois salles – l’exposition temporaire dédiée à Max Linder, un des plus célèbres acteurs de films muets. Je m’arrêterai néanmoins ici pour la petite visite guidée, en espérant que cette dernière vous ait donné l’envie d’aller découvrir ce musée par vous même.
A la prochaine !

