Hey ! Je vous propose aujourd’hui de partir à la découverte d’une exposition au musée Marmottan-Monet, dans le 16e arrondissement. Nommée « Graver la lumière », cette dernière a pour objectif de présenter au public une sélection de 100 estampes véritablement considérées comme des chefs d’œuvre.

Je dois bien le reconnaître, l’art de l’estampe, qu’elle soit faite au burin, à l’eau-forte, à la pointe sèche, à l’aquatinte ou en lithographie, m’était jusque-là assez mystérieux. Il m’est souvent arrivé d’acheter des vieilles litho dans des brocantes pour décorer mes murs. Il suffit généralement d’aller chez un antiquaire pour trouver son bonheur. Mais lorsqu’il est question de connaître leur mode de fabrication, les choses se corsent. Je ne vous ferai l’affront de donner un cours en cet instant. Cet article ne s’y prête pas, mais je ne pourrai que vous conseiller d’aller visiter cette expo devant se terminer le 17 septembre prochain. Je me contenterai, ainsi, de vous présenter mes quelques coups de coeur et de vous resituer, aussi bien que possible, les contextes et les grands courants. J’ai par ailleurs pris la décision de prendre en photo les textes afin de ne pas commettre d’erreur et risquer de faire fausse route.

Lluvia de toros (Pluie de taureaux), vers 1824
Aquatinte, eau-forte et pointe sèche sur papier vergé, 242 x 356 mm
D’entrée de jeu, l’exposition nous propose une magnifique estampe signée Francisco José de Goya, datant de 1824. Lorsque nous découvrons plus tard, dans l’expo, le nombre d’heures qu’il faut pour réaliser ne serait-ce qu’une estampe en format A4, celle-ci a de quoi donner des vertiges. Vous ne les voyez pas, et je pense qu’un zoom ne rendrait pas justice à cette œuvre, mais chaque petit point et trait a été réalisée à l’aquatinte, à l’eau-forte ou à la pointe sèche ; ce qui la classe tout bonnement dans la catégorie des chefs d’œuvre, tant sur le point artistique qu’artisanal.
Premières œuvres
Tout historien de l’art a déjà pu voir, admirer et même étudier des estampes. L’Histoire des religions en particulièrement bien pourvue et s’il est vrai que le premier ouvrage imprimé fut une bible, les premières œuvres réalisées en éditions limitées furent aussi en rapport avec la religion. Plutôt prolifique dès le Moyen-Âge, grâce notamment à des armées de moines travaillant à la main les enluminures devant décorer les ouvrages religieux, les bibles imprimées et autres recueils théologiques présentaient des gravures avec une quantité de détails particulièrement impressionnants. L’exemple avec les estampes d’Albrecht Dürer présentées dans la deuxième salle de l’exposition était riche en enseignement. Voici les trois œuvres qui m’ont le plus marquées.



Depuis son apparition comme moyen de multiplication des images, l’estampe est étroitement liée à l’édition de livres. Les vignettes gravées et insérées dans les premiers ouvrages imprimés remplacement, dès le milieu du XVe siècle, les délicates enluminures des manuscrits médiévaux. De cette manière, la parole religieuse, est relayée par l’image et peut être diffusée auprès d’un public illettré. Au dessous, vous retrouverez justement trois compositions réalisées par Dürer, et mettant en scène les textes sacrées : Vie de la Vierge, Passion de Jésus-Christ, et représentations de la scène de l’Ancien Testament et de l’Apocalypse.
Musée Marmottan-Monet
Période Italienne
Aussi connu comme le vedutisme (en italien, vedutismo, de veduta, la vue, est un genre pictural particulièrement florissant en Italie, notamment Venise et Rome. Les paysages urbains et architecturaux remplacent ainsi les scènes religieuses. Ce sont les lithographies que nous avons l’habitude de trouver dans les grandes villes, chez les antiquaires, etc… Très à la mode dès le 18e siècle, c’était un moyen de créer des éditions limitées en série et d’en faire commerce. L’idée n’est ainsi plus d’avoir une oeuvre unique, mais d’en reproduire le plus d’exemplaires possible afin de réaliser un certain profit. J’ai, pour ma part, était véritablement impressionnée par les oeuvres de Piranesi, empruntant largement au genre « fantastique ». L’oeuvre « Le Pont-Levis » est notamment saisissant, tant sur le plan de sa composition (pouvant presque rivaliser avec un dessin de Schuitten « Les cités obscures », et le château de Poudlard et ses escaliers magiques), mais aussi pour sa réalisation à l’eau-forte qui dut nécessiter un nombre d’heure de travail pharaonique.


La roue géante, [1745]
Eau-forte sur papier vergé,

Le Pont-Levis, [1749]
Eau-forte sur papier vergé
Dès le XVIe siècle, la gravure a largement contribué à l’élargissement des connaissances scientifiques et de la géographie. Très vite, d’imposants atlas et cosmographies contienne de nombreuses vues de ville, des cartes et plans topographiques.
Au XVIIIe siècle, se développe en Italie la mode du védutisme qui encourage la restitution par l’image gravée, des monuments historiques et des joyaux ornant les villes visitées par les premiers touristes. Ce sont là des images libres ou reliées en volumes que les voyageurs fortunés peuvent acquérir et emporter aisément avec eux au moment de leur retour au pays. Canaletto à Venise, puis Piranèse à Rome, se révèlent vite les maîtres incontestés de ce genre qui satisfait par moments aux exigences de la vérité topographiques et à d’autres répond d’avantage aux aspirations de la rêverie.Musée Marmottan-Monet
La passion du paysage
En faisant un bon dans le temps de presque un siècle, nous arrivons au milieu du 19e, en pleine période où les peintres naturalistes créent leurs oeuvres les plus monumentales et célèbres. L’école de Barbizon avec les plein-airistes, l’école d’Honfleur avec les peintres normands, cette période est particulièrement foisonnante sur le plan artistique. Assez, du moins, pour intéresser les artistes comme Corot ou Pissarro dont les oeuvres exposées ci-dessous démontrent l’étendu de leur talent.

Les arbres dans les montagnes

La Masure, [1879]
Aquatinte, eau-forte et vernis mou

Le Songeur [1854]
Cliché-verre
La découverte de la peinture de paysage et la relation de celui-ci avec la subjectivité revêt une importance nouvelle à la suite de Jean-Jacques Rousseau, à partir du romantisme. La plupart des artistes travaillant autour de l’Atelier de Saint-Prex sont des peintres qui se sont vivement intéressés dans leur oeuvre personnelle pour le genre en question. Il n’est donc pas étonnant de retrouver dans la collection dont ils ont le souci divers paysages réalisés par un grand nombre de maîtres appartenant à tous les siècles. A ce titre, l’ensemble des cliché-verre de Camille Corot est exemplaire. Leur modèle ne fournit pas seulement le témoignage d’une extraordinaire liberté dans le maniement de l’outil mais il constitue du même coup pour certains un formidable stimulant pour renouveler leur technique et développer de nouveaux thèmes.
Musée Marmottan-Monet.
les œuvres intimes
Je dois avouer qu’il s’agit probablement de la partie de l’exposition qui m’a le plus intéressé. Entrer dans l’intime, c’est également voyager à travers les pensées de l’artiste et faire partie, ne serait-ce qu’un temps, de son univers. Les œuvres présentées ci-dessous sont un petit panel non exhaustif de ce qu’il m’a été permis de découvrir durant ma visite. J’ai ainsi pu retrouver quelques artistes bien connus comme Manet, Fantin-Latour et Géricault.
Quand elle ne sert pas à faire circuler à travers l’Europe des interprétations de peintures, sculptures et autres oeuvres d’art ; quand elle ne reproduit pas l’effigie des grands de ce monde ; et quand elle n’est pas destinée à l’édition commerciale diffusant un peu partout en Europe l’image des monuments célèbres, la pratique de l’estampe peut rejoindre les préoccupations plus intimes et personnelles des artistes. La fondation Cuendet contient ainsi de nombreux portraits qui témoignent de l’attrait des artistes et des collectionneurs pour l’introspection psychologique. Plusieurs planches, remontant principalement à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, témoignent également d’une passion très prononcée pour les scènes de genre, les intérieurs et les dialogues intimes avec la musique ou la poésie.
Musée Marmottan-Monet
L’héliogravure à grain
La dernière salle était dédiée à l’héliogravure. Etant une totale néophyte de ce genre de gravure, j’avais songé à un néologisme avant de réaliser à quel point la méthode était bien connue, notamment dans le monde de la photographie. C’est probablement les oeuvres d’Edward Strichen qui m’ont le plus intriguées. Faisant de la photographie argentique en tant qu’amatrice, il m’est souvent arrivé d’utiliser des pellicules dites « lomo » pour obtenir des effets visuels ressemblant quelque peu aux résultats de l’héliogravure. Je n’ai aucunement la prétention de dire qu’elles sont équivalentes, à tel point cette dernière est une véritable discipline à part entière nécessitant une maîtrise minutieuse et passionnée. Disons plutôt que la lomographie est une des héritières voyant en cette grande soeur une source d’inspiration difficilement égalable.


The flatiron, New York [1905]

in memorian, New York [1903]
La photographie, on l’ignore parfois encore, est née des réflexions et des expériences des graveurs autant que de celles des chimistes. Dans l’esprit des pionniers, l’idée de fixer l’image sensible passa très vite par la recherche d’un support solide capable d’affronter de grands tirages et, surtout, de résister à l’usure du temps. Le procédé de l’héliogravure, qui permet d’imprimer sur papier – grâce à la matrice de cuivre préparée à l’aquatinte – les plus fines nuances de la gamme des valeurs s’étendant du noir au blanc, s’impose alors comme la technique la plus fiable et, surtout, comme l’une des plus satisfaisantes sur le plan esthétique. En effet, en transformant la prise de vue en gravure, grâce au grain d’aquatinte qui ajoute du relief à l’image, le procédé renforce la perception de la troisième dimension définie par la lumière. Et même si cette pratique complexe et exigente fut très tôt supplantée par des solutions plus économiques, elle suscita toujours la préférence des photographes soucieux de donner à leur image un velouté et un relief fouillé et vibrant.
Musée Marmottan-Monet
Voilà ! Ma visite s’est terminée ici. J’ai ensuite enchaîné avec le leg Monet où j’ai pu contempler avec des yeux d’enfant les oeuvres les plus connues de Claude Monet « Impression de soleil levant » et « les nymphéas ». Mais cela fera partie d’un autre article ! A bientôt.







