La Première Guerre mondiale, connue comme la Grande Guerre, a profondément marqué le paysage géopolitique et culturel du XXe siècle. Au cœur de ce cataclysme mondial, une génération de jeunes hommes anglais a trouvé dans la poésie un exutoire pour exprimer la souffrance, la désillusion et l’horreur vécues au front. Ces « War Poets » anglais, qui n’ont jamais formé de cercle à proprement parlé puisqu’ils ne se sont pour la plupart jamais rencontrés, ont néanmoins su traduire grâce à leurs vers la brutalité des tranchées et les tourments psychologiques engendrés par le conflit. Leur empreinte dans la littérature mondiale est certaine, même si la moitié d’entre eux n’en auront jamais eu la preuve, puisque la Grande Guerre aura fini par les prendre avant que l’Armistice ne soit signée.
Dans le cadre de ma série « L’Art & la Guerre », cet article vous propose d’explorer le parcours et les œuvres de huit de ces poètes emblématiques – Edmund Blunden, Rupert Brooke, Robert Graves, Ivor Gurney, Francis Ledwidge, Wilfred Owen, Isaac Rosenberg et Siegfried Sassoon – à travers une mise en lumière de leurs réalisations, reflétant l’évolution de la guerre et des sentiments qu’elle a suscités au fil des quatre années qui ont précipité le monde dans l’indicible. J’en profite au passage pour faire un petit clin d’œil à un artiste peintre américain, John Singer Sargent, dont l’oeuvre « Gazé » me permet d’illustrer l’article, bien que les soldats figurant sur la toile soient des sammies américains et non des tommies anglais comme ceux dont je m’apprête à vous parler !
I. Les premiers pas : L’engouement et l’idéalisme (1914-1915)


L’engouement initial pour la guerre
Au début de la Première Guerre mondiale, l’Europe était en proie à un optimisme teinté de patriotisme. Les jeunes hommes, séduits par les discours nationalistes et l’appel au devoir, se sont précipités vers les lignes de front avec l’idée romantique de défendre leur patrie. Cet enthousiasme précoce est bien illustré par les premiers poèmes de Rupert Brooke, dont les vers teintés de beauté et de sérénité reflètent une vision idéalisée du conflit.
Rupert Brooke et l’idéalisation patriotique
Rupert Brooke, né en 1887 dans une famille de la haute bourgeoisie anglaise, a rapidement acquis une notoriété grâce à ses poèmes lyriques et un charme certain. Diplômé de l’Université de Cambridge, Brooke incarnait l’image du poète-athlète, alliant talent littéraire et prestance physique. Lorsqu’il s’engagea dans l’armée britannique, il le fit avec une ferveur presque naïve, voyant le conflit comme une aventure noble.
Son célèbre sonnet The Soldier (1914) est emblématique de cet état d’esprit. Écrit avant qu’il ne connaisse les horreurs des tranchées, ce poème exprime un amour profond pour l’Angleterre et une certaine sérénité candide face à la possibilité de mourir. Brooke y dépeint la mort au combat comme une fusion harmonieuse avec la nature anglaise, créant ainsi une image idyllique du sacrifice patriotique.
Extrait de The Soldier : « If I should die, think only this of me:
That there’s some corner of a foreign field
That is forever England. There shall be
In that rich earth a richer dust concealed;
A dust whom England bore, shaped, made aware,
Gave, once, her flowers to love, her ways to roam,
A body of England’s, breathing English air,
Washed by the rivers, blessed by sons of home.And think, this heart, all evil shed away,
A pulse in the eternal mind, no less
Gives somewhere back the thoughts by England given;
Her sights and sounds; dreams happy as her day;
And laughter, learnt of friends; and gentleness,
In hearts at peace, under an English heaven. »
Traduction : « Si je devais mourir, ne pensez qu’à ça de moi :
Qu’il y a un coin d’un champ étranger
Qui est à jamais l’Angleterre. Il y aura
Dans cette terre riche, une poussière encore plus riche cachée ;
Une poussière que l’Angleterre a portée, façonnée, rendue consciente,
lui a donné, une fois, ses fleurs à aimer, ses chemins à parcourir,
Un corps d’Angleterre, respirant l’air anglais,
Lavé par les rivières, béni par les fils du pays.Et pense, ce cœur, que tout le mal a disparu,
Une pulsation dans l’esprit éternel, pas moins
Donne quelque part en retour les pensées que l’Angleterre a données ;
Ses vues et ses sons, ses rêves heureux comme son jour ;
Et le rire, appris des amis, et la douceur,
Dans les cœurs en paix, sous un ciel anglais. »
Ces vers révèlent une vision presque utopique de la guerre, où le sacrifice personnel est perçu comme une contribution éternelle à la patrie. L’optimisme de Brooke contraste fortement avec la réalité qui attendait les poètes une fois le conflit engagé. Il mourra bien avant la fin du conflit, en 1915, lorsqu’il se trouvait sur un navire hôpital en direction de la bataille de Galipolli. Ne pouvant le rapatrier en Angleterre, il sera enterré dans un champ d’olivier sur l’île de Skyros en Grèce, où sa tombe est toujours visible.

II. La désillusion : Les horreurs des tranchées (1915-1916)
La découverte de la réalité du front
À mesure que la guerre s’intensifia, l’enthousiasme initial laissa peu à peu place à une désillusion profonde. Les poètes, confrontés quotidiennement à la violence, à la souffrance et à la mort, ont vu leurs idéaux s’effriter face à la brutalité et aux absurdités du conflit. Cette prise de conscience est particulièrement visible dans les œuvres de Wilfred Owen et Siegfried Sassoon, qui ont tous deux évolué d’une vision romantique de la guerre à une dénonciation acerbe de ses réalités.
Wilfred Owen et la transformation du regard
Wilfred Owen, né en 1893, est sans doute le plus célèbre des War Poets, dont le nom est devenu synonyme de la poésie anti-guerre. Initialement inspiré par l’idéalisme de Brooke, Owen a rapidement été confronté aux horreurs des tranchées lors de son engagement en 1915. Gravement blessé et souffrant de troubles psychologiques, il retourne au front, où il rencontre Siegfried Sassoon, dont l’amitié et la critique virulente de la guerre influenceront profondément son écriture.
Dans Dulce et Decorum Est (1917), Owen déconstruit le mythe de la guerre glorieuse avec des images poignantes et réalistes. Le poème décrit un soldat souffrant d’une attaque au gaz, mettant en lumière la souffrance physique et morale des combattants.

Extrait de Dulce et Decorum Est : « Bent double, like old beggars under sacks,
Knocked-kneed, coughing like hags, we cursed through sludge,
Till on this mud-banked march we were used to
Till on this mud-banked march we were used to.Gas! Gas! Quick, boys!—An ecstasy of fumbling,
Fitting the clumsy helmets just in time,
But someone still was yelling out and stumbling
And flound’ring like a man in fire or lime.—Dim through the misty panes and thick green light,
As under a green sea, I saw him drowning.
In all my dreams, before my helpless sight,
He plunges at me, guttering, choking, drowning.If in some smothering dreams you too could pace
Behind the wagon that we flung him in,
And watch the white eyes writhing in his face,
His hanging face, like a devil’s sick of sin;If you could hear, at every jolt, the blood
Come gargling from his froth-corrupted lungs,
Obscene as cancer, bitter as the cud
Of vile, incurable sores on innocent tongues,—My friend, you would not tell with such high zest
To children ardent for some desperate glory,
The old Lie: Dulce et decorum est
Pro patria mori. »
Traduction : « Pliés en deux, comme de vieux mendiants sous des sacs,
Les genoux cagneux, toussant comme des sorcières, nous maudissions la boue,
Jusqu’à ce que, dans cette marche boueuse, nous soyons habitués
Jusqu’à ce que nous soyons habitués à cette marche dans la boue.Du gaz ! Gaz ! Vite, les gars ! Une extase de tâtonnements,
en ajustant les casques maladroits juste à temps,
Mais quelqu’un continuait à crier et à trébucher
et trébuchait comme un homme dans le feu ou la chaux.A travers les vitres brumeuses et l’épaisse lumière verte, j’ai vu, comme sous une mer verte,
Comme sous une mer verte, je l’ai vu se noyer.
Dans tous mes rêves, devant ma vue impuissante,
Il se jette sur moi, s’étouffant, s’étranglant, se noyant.Si dans certains rêves étouffants vous pouviez vous aussi marcher
Derrière le chariot dans lequel on l’a jeté,
Et regarder les yeux blancs se tordre sur son visage,
Son visage suspendu, comme celui d’un diable malade du péché ;Si tu pouvais entendre, à chaque secousse, le sang
Se gargariser de ses poumons corrompus par l’écume,
Obscène comme le cancer, amer comme la gale
Des plaies viles et incurables sur les langues innocentes, –Mon ami, vous ne raconteriez pas avec un tel enthousiasme
A des enfants ardents pour une gloire désespérée,
Le vieux mensonge : Dulce et decorum est
Pro patria mori.»
Ces vers plongent le lecteur au cœur de l’agonie vécue par les soldats, rejetant l’idée romantique de la mort au combat. Owen utilise une imagerie brutale pour dénoncer la futilité et l’horreur de la guerre, renforçant ainsi son message pacifiste qui ne sera véritablement saisi qu’à titre posthume, puisque Wilfred mourra avant la fin du conflit et que ses poèmes n’auront qu’une véritable portée qu’à partir de la publication d’un recueil de ses poèmes en 1920.
Isaac Rosenberg et la réalité crue


Isaac Rosenberg, né en 1890, apporte une perspective unique à la poésie de guerre grâce à son talent à la fois de poète et d’artiste. Ses œuvres, telles que Break of Day in the Trenches (1916), saisissent la violence et l’absurdité du conflit avec une intensité visuelle remarquable. Rosenberg va même jusqu’à utiliser des métaphores puissantes et des images surréalistes pour exprimer la déshumanisation et la confusion éprouvées par les soldats.
Break of Day in the Trenches : « Soldiers sleeping in death like empty old shells,The darkness crumbles away.
It is the same old druid Time as ever,
Only a live thing leaps my hand,
A queer sardonic rat,
As I pull the parapet’s poppy
To bleed in my palm.But the sun is up, and the sky is fair,
And the time is in the air—
One’s face to the ground, and a soldier’s quiet sleep,
Till the last hour of day,
And the sickened breeze lifts the sap.And the blood is washed from the grime,
But the smile on the dead face
In the slimy dirt,
And the blood’s spill,
Is a strange consolation.
Waiting for service like weary old bells… »
L’aube dans les tranchées : « Des soldats endormis dans la mort comme de vieilles coquilles vides, L’obscurité s’effrite.
C’est le même temps druidique que d’habitude,
Seule une chose vivante me saute à la main,
Un drôle de rat sardonique,
Alors que je tire le coquelicot du parapet
Pour saigner dans ma paume.Mais le soleil est levé, et le ciel est beau,
Et le temps est dans l’air…
Le visage vers le sol, et le sommeil tranquille d’un soldat,
Jusqu’à la dernière heure du jour,
Et la brise malade soulève la sève.Et le sang est lavé de la crasse,
Mais le sourire sur le visage mort
Dans la saleté visqueuse,
et le sang qui coule,
est une étrange consolation.
Attendant le service comme de vieilles cloches fatiguées…»
Rosenberg juxtapose des éléments de la vie quotidienne avec les réalités terrifiantes du front, créant ainsi une tension entre la normalité et l’inhumanité de la guerre. Son œuvre reflète une réflexion honnête sur la condition humaine face à l’absurde du conflit, s’inscrivant ainsi dans ce courant de pensée anti-guerre de plus en plus en plus dominant dès la seconde moitié de la guerre.
L’évolution du ton chez Siegfried Sassoon

Siegfried Sassoon, né en 1886, évolue d’un soldat décoré à un critique virulent de la guerre. Initialement inspiré par le patriotisme, Sassoon est rapidement désabusé par la gestion militaire du conflit et la perte de vies humaines. Ses poèmes, tels que Suicide in the Trenches (1917) et The General (1918), dénoncent eux aussi l’absurdité et la cruauté de la guerre, ainsi que l’incompétence des commandants, ce qui lui vaudra d’ailleurs des répercussions.
The General : « Good-morning; good-morning! the General said
When we met him last week on our way to the line..Good-morning; good-morning! » the General said
When we met him last week on our way to the line.
Now the soldiers he smiled at are most of ’em dead,
And we’re cursing his staff for incompetent swine.He’s a cheery old card, » grunted Harry to Jack
As they slogged up to Arras with rifle and pack.
But he did for them both with his plan of attack.. »
Le Général : « Bonjour ; bonjour ! » dit le Général
Quand nous l’avons rencontré la semaine dernière en route vers la ligne.
Maintenant, les soldats auxquels il souriait sont pour la plupart morts,
Et nous maudissons son état-major pour leur incompétence.«C’est un vieux bonhomme joyeux, » grogna Harry à Jack
Alors qu’ils grimpaient vers Arras avec fusil et sac.
Mais il les a tous deux eus avec son plan d’attaque. »
À travers une satire mordante, Sassoon critique les dirigeants militaires déconnectés de la réalité du front, mettant en lumière le fossé entre les élites et les soldats. Son ton acerbe et son engagement personnel renforcent l’impact de ses œuvres, faisant de lui une voix incontournable de la poésie de guerre. Mais plutôt que d’être traduit devant une cour martiale pour sa rébellion et ses critiques, il sera hospitalisé à l’hôpital militaire de Craiglockhart, près d’Edimbourgh où il sera officiellement soigné pour Shell Shock (neurasthénie). Là-bas, Sassoon se liera d’ailleurs d’amitié avec Wilfried Owen qu’il s’évertuera à faire connaître malgré la mort de ce dernier en 1918.

III. Le chaos et la confusion : L’impact psychologique (1916-1917)
La bataille de la Somme et ses répercussions
La bataille de la Somme, commencée en juillet 1916, fut l’une des plus sanglantes de la Grande Guerre, symbolisant le chaos et la souffrance extrêmes vécus par les soldats. Cette bataille a eu un impact profond sur les poètes anglais, exacerbant les thèmes de la confusion, du désespoir et de l’aliénation dans leurs œuvres. Les poètes, témoins directs de l’horreur, ont vu leurs écrits refléter une détérioration psychologique croissante.
Ivor Gurney et la folie de la guerre

Ivor Gurney, né en 1890, était non seulement un poète mais aussi un musicien, dont les œuvres témoignent d’une sensibilité exacerbée par les traumatismes de la guerre. Engagé volontairement, Gurney a été particulièrement affecté par les combats, développant des troubles mentaux qui ont marqué sa vie et par conséquent sa prose. Dans des poèmes comme To His Love (1917), il exprime notamment une douleur émotionnelle intense et une quête de réconfort face à l’angoisse du front. Ses vers révèlent une lutte intérieure entre l’amour et la perte, symbolisant la fragmentation de l’esprit sous la pression constante de la guerre. Sa poésie est une exploration poignante de la fragilité mentale et de la quête de paix intérieure au milieu du chaos.
The next war : « Now, I will tell you a great secret—
I have been to Hell and back:
The world was made of fire and black,
And you will hear the echoes yet.I saw a man die in the dark,
And that was all that was left of him—
A thing that had been made of light,
A thing that had been made of sin.Now, I will tell you a great secret—
The world is full of fire and black:
I am not the man who came back,
But I am the man who has seen Hell.Love, if ever such a thing were,
Why come you now? Why seek you here?
I had a friend – I am no more…»
La prochaine guerre : « Maintenant, je vais vous révéler un grand secret—
Je suis allé en Enfer et revenu :
Le monde était fait de feu et de ténèbres,
Et vous entendrez encore les échos.J’ai vu un homme mourir dans l’obscurité,
Et c’était tout ce qu’il restait de lui—
Une chose qui avait été faite de lumière,
Une chose qui avait été faite de péché.Maintenant, je vais vous révéler un grand secret—
Le monde est rempli de feu et de ténèbres :
Je ne suis pas l’homme qui est revenu,
Mais je suis l’homme qui a vu l’Enfer.Amour, si jamais une telle chose a existé,
Pourquoi viens-tu maintenant ? Pourquoi cherches-tu ici ?
J’avais un ami – je ne suis plus…»
Robert Graves et la désillusion totale
Robert Graves, né en 1895, est une autre figure centrale de la poésie de guerre, dont l’expérience au front a profondément influencé son œuvre. Son autobiographie Goodbye to All That (1929) offre un témoignage brutal de la réalité du front, marquée par la désillusion et la perte de repères. Dans des poèmes comme A Dead Boche (1916), Graves adopte un ton froid et détaché pour décrire la mort d’un soldat ennemi, reflétant une désensibilisation face à la violence omniprésente. Graves confronte directement ses lecteurs avec la réalité crue de la guerre, remettant en question les notions glorifiantes souvent associées au conflit. Son approche directe et sans fard contribue à une vision plus réaliste et désabusée.

Extrait de A Dead Boche : « To you who’d read my songs of War
And only hear of blood and fame,
I’ll say (you’ve heard it said before)
‘War’s Hell!’ and if you doubt the same, Today I found in Mametz Wood
A certain cure for lust of blood:Where, propped against a shattered trunk,
In a great mess of things unclean,
Sat a dead Boche; he scowled and stunk
With clothes and face a sodden green,
Big-bellied, spectacled, crop-haired,
Dribbling black blood from nose and beard.»
Un Boche mort : « A vous qui lisez mes chansons de guerre
Et qui n’entendent parler que de sang et de gloire,
je vous dirai (vous l’avez déjà entendu)
La guerre, c’est l’enfer ! et si vous en doutez, Aujourd’hui, dans le bois de Mametz,
J’ai trouvé un remède certain à la soif de sang :Où, appuyé contre un tronc brisé,
Dans un grand fouillis de choses impures,
S’asseyait un mort allemand ; il fronçait les sourcils et puait
Avec des vêtements et un visage d’un vert boueux,
Ventre énorme, avec des lunettes,
Gouttant du sang noir du nez et de la barbe.»
IV. Le deuil et la commémoration : L’après-guerre (1918 et après)

Francis Ledwidge et la perte d’identité
Francis Ledwidge, poète irlandais né en 1887, a trouvé dans la poésie un moyen d’exprimer son amour pour l’Irlande tout en traitant de la perte d’identité et de l’appartenance. Engagé dans la guerre malgré ses réticences, Ledwidge a été tué en 1917, laissant derrière lui des poèmes empreints de mélancolie et de nostalgie. Les vers de Ledwidge reflètent une profonde tristesse face à la perte d’êtres chers et à la destruction de ce qui constitue l’identité nationale et personnelle. Sa poésie est une méditation sur la fragilité de la vie et la permanence du deuil.
Extrait de Lament for Thomas MacDonagh : « He shall not hear the bittern cry
In the wild sky, where he is lain,
Nor see the wild geese fly
With their white wings across the sun,
Nor hear the drone of the lark
As the wind goes through the trees.He shall not hear the robin sing
In the brown woods where he is lain,
Nor see the wild flowers spring
With the sun’s rays upon their face.O, who shall lament this loss?
Who shall sing his song of praise,
And who shall mourn him when he is gone?
He is lost to us for evermore.Yet will he live in memory,
And his name shall be known by all,
As long as the wind blows across the sea,
And the lark sings in the trees.. »
Lamentations pour Thomas MacDonagh : « Il n’entendra pas le cri du butor
Dans le ciel sauvage où il est couché,
Ni voir les oies sauvages voler
De leurs ailes blanches sur le soleil,
Il n’entendra pas le chant de l’alouette
Quand le vent passe à travers les arbres.Il n’entendra pas le chant du rouge-gorge
Dans les bois bruns où il est couché,
Il ne verra pas le printemps des fleurs sauvages
Avec les rayons du soleil sur leur visage.Qui déplorera cette perte ?
Qui chantera sa louange ?
Et qui le pleurera quand il sera parti ?
Il est perdu pour nous à jamais.Mais il vivra dans nos mémoires,
Et son nom sera connu de tous,
Aussi longtemps que le vent soufflera sur la mer,
et que l’alouette chantera dans les arbres.»
Edmund Blunden et la nature comme refuge
Edmund Blunden, né en 1896, a su utiliser la nature comme un refuge face à la destruction de la guerre. Dans son recueil Undertones of War (1928), Blunden juxtapose des images paisibles de la nature avec les ravages du conflit, créant ainsi une tension entre la beauté éternelle et la fragilité humaine.
Blunden utilise la nature pour symboliser l’espoir et la résilience, offrant une échappatoire poétique aux horreurs vécues au front. Son œuvre contribue à une réflexion sur la capacité de l’esprit humain à trouver la paix même dans les moments les plus sombres.

Extrait de The Zonnebeke Road : « Now, if you please, will you take me back
To the Zonnebeke Road, where I used to be?
The little street where I used to track
The footprints of the dead with my enemy.I had a friend who was with me there,
With his chest full of little medals and pride,
But now he is gone to the pit of despair,
With the rest of the damned who can no longer abide.You may see the ghosts of the lost dead
As they march on their endless, fruitless quest,
But I shall walk among them, tread
The Zonnebeke Road and let them rest.There, where the old mud trenches lie
And the ghastly remains of the fallen rot,
I shall find my friend, and the memories fly
On the Zonnebeke Road, where he fought. »
La route de Zonnebeke : « Maintenant, si vous le voulez bien, vous me ramènerez
Sur la route de Zonnebeke, là où j’étais ?
La petite rue où je suivais
les empreintes des morts avec mon ennemi.J’avais un ami qui était avec moi là-bas,
Avec sa poitrine pleine de petites médailles et de fierté,
Mais maintenant il est parti dans la fosse du désespoir,
Avec le reste des damnés qui ne peuvent plus rester.Vous pouvez voir les fantômes des morts perdus
Alors qu’ils marchent dans leur quête sans fin et infructueuse,
Mais je marcherai parmi eux, je foulerai
La route de Zonnebeke et je les laisserai se reposer.Là, où gisent les vieilles tranchées de boue
Et où pourrissent les restes effroyables des soldats tombés au champ d’honneur,
Je retrouverai mon ami, et les souvenirs s’envoleront
Sur la route de Zonnebeke, là où il a combattu. »
Postérité

Les War Poets anglais ont joué un rôle crucial dans la formation de la mémoire collective de la Première Guerre mondiale. À travers leurs vers, ils ont su capturer l’évolution du conflit, de l’enthousiasme initial à la désillusion profonde, en passant par le chaos psychologique et le deuil post-guerre. Edmund Blunden, Rupert Brooke, Robert Graves, Ivor Gurney, Francis Ledwidge, Wilfred Owen, Isaac Rosenberg et Siegfried Sassoon ont chacun apporté une perspective unique, enrichissant la littérature de guerre par leur sensibilité et leur engagement.
Leur héritage perdure aujourd’hui, offrant des témoignages poignants sur les ravages de la guerre et la résilience de l’esprit humain. À travers leurs poèmes, ces écrivains ont non seulement dénoncé les atrocités du conflit, mais ont aussi célébré la beauté de la vie et la dignité des soldats. En cela, les War Poets incarnent le pouvoir de la poésie à transcender les épreuves humaines, faisant d’eux des figures incontournables de la littérature mondiale, bien que la plupart aient fini par sombrer dans l’oubli. Il n’en demeure pas moins pas que des travaux académiques continuent d’être effectués pour les étudier et qu’il existe aujourd’hui toute une bibliographie (anglophone) à leur sujet. Vous en trouverez quelques exemples ci-dessous.
J’espère en tout cas que vous aurez pu prendre autant de plaisir que moi à découvrir ces hommes ayant utilisés leur plume pour parler de ce qu’ils voyaient et vivaient. Je vous dis à la prochaine pour le troisième article dédié à l’Art & la Guerre !
LAK
Bibliographie
Up The Line To Death: The War Poets 1914-1918. Edited by Brian Gardner, Methuen, 1976.
Jean Moorcroft Wilson. « Siegfried Sassoon: The Making of a War Poet. » Journal of Modern Literature, vol. 27, no. 4, 2004, pp. 33-50.
Peter Howarth. « The Uses of Tragedy in War Poetry. » Twentieth Century Literature, vol. 45, no. 1, 1999, pp. 108-128.
Poems of the Great War: 1914-1918. Edited by Richard Aldington, Everyman’s Library, 1992.
Fussell, Paul. The Great War and Modern Memory. Oxford University Press, 1975.
Stallworthy, Jon. Wilfred Owen. Oxford University Press, 1974.
Kendall, Tim. The Oxford Handbook of British and Irish War Poetry. Oxford University Press, 2007.
Silkin, Jon. Out of Battle: The Poetry of the Great War. Oxford University Press, 1972.
Bergonzi, Bernard. Heroes’ Twilight: A Study of the Literature of the Great War. Coward-McCann, 1965.
Hibberd, Dominic. Wilfred Owen: A New Biography. Weidenfeld & Nicolson, 2002.

